CARICATURE
Il suffit de se replonger dans les albums d’Honoré Daumier pour comprendre à nouveau combien le second Empire et la République aux multiples aléas ont mis en place toute la politique en vigueur aujourd’hui. Parlementaires somnolents, avocats soucieux des effets de robe, commerçants bornés, propriétaires sans scrupules, théâtreux avides de scandales, prétentieux en tout genre, tout le répertoire de la Caricature a été fixé par lui en évitant l’éphémère actualité, en s’attaquant aux racines de l’Homme. En avril 1958, à l’occasion d’une exposition à la Bibliothèque Nationale, le public découvrit le peintre méconnu, le talentueux sculpteur, l’artiste contestataire que Charles Baudelaire a salué de son vivant.
Tels Honoré Daumier, Thomas Rowlandson en Angleterre, Wilhelm Bush en Allemagne, Rodolphe Töpffer en Suisse ont ouvert eux aussi des voies définitives pour tous ceux qui allaient suivre cette vocation de faire rire au lieu d’en pleurer. Steinlein, Forain, Abel Faivre, Poulbot, Wilette, Charles Huard, Pierre Veber, Chas Laborde, Gus Bofa – pour ne rester que dans le domaine des caricaturistes français – ont enrichi de variations à leur tour ce répertoire des vices et malhonnêtetés, à vrai dire le même à chaque décennie de la civilisation. L’Assiette au beurre (en France), L’Asino (en Italie), Punch (en Angleterre), sans compter d’innombrables publications censurées, éphémères, renaissantes, ont participé à cet effort de guerre des nerfs, de pamphlet contre l’atteinte au moral des gens, par le talent ou le génie au bout du crayon et de la pierre à lithographier.
Mais la Caricature a encore des années devant elle à essayer de convaincre les marchands d’armes atomiques à faire autre chose, les violeurs de petites filles et petits garçons à faire autre chose… En vain, chaque matin qu’une page imprimée sort des presses, une femme agonise et un enfant crève de faim.
Du temps de Daumier, le caricaturiste était emprisonné. Du temps de Cabu et de Wolinski, il meurt sous la mitraille de fanatiques religieux.