ANTICIPATION
Pour qui est né à l’aube des années 50, l’anticipation n’était pas un vain mot : le rideau de fer se refermait derrière nous ou devant nous, suivant le bloc d’appartenance Est ou Ouest.
Stephen Spielberg rappelait, il y a peu, les simulations d’attaques nucléaires que les écoliers américains étaient dans l’obligation traumatisante de pratiquer. L’« Atome » fut le mot le plus « sensationnel » écrit par les journalistes pendant la Guerre froide dans les salles de rédaction. L’Atome fut aussi l’enseigne d’une minuscule librairie fondée par Valérie Schmidt, située rue de Seine à Paris, en 1955, où les esprits les plus pataphysiques essayaient de définir l’Avenir entre les molécules se partageant le rire et l’effroi, entre deux éprouvettes et un triangle « à quatre côtés » se déplaçant à 300 000 km/s.
Dans l’hebdomadaire Spirou de 1959, j’ai lu, à l’âge de neuf ans, que dans cent ans les hommes iraient un jour sur la Lune. Dix ans plus tard, des cosmonautes sautèrent de joie sur la face éclairée de l’astre chéri par les poètes maudits. Sur l’écran de télévision en 625 lignes dans les bandes UHF IV (canaux 21-37) et V (canaux 38-65), ça me semblait bien grisâtre tous ces cailloux et toutes ces gesticulations au ralenti.
Jusqu’à l’an 2000 supposé, les chronologies du futur ou du futur antérieur ont excité l’imagination des écrivains de science-fiction. Pistolets propulseurs, captation de l’électricité contenue dans les nuages, atterrissage des avions supersoniques en haut des buildings, hypertrophie ou miniaturisation de la mécanographie, rien n’aura véritablement contribué au progrès souhaité par les peuples vivant sur Terre.
Enfants, nous y étions bien avant l’an 2000 en immersion dans ce futur sans espoir de retour, malgré la machine à remonter le temps.