C’est en mai 2001 que le centre Pompidou ouvrit un espace pour des « revues parlées”. François Angelier en anima quelques unes. Piéral et moi-même avons présidé la soirée dédiée à Jean Boullet. A nos côtés, Druillet, Dionnet, Saltano, Romer, Bouyxou, Bruno le Tatoueur, étaient là pour dire leur part d’admiration ou leur étonnement en saluant la mémoire de ce double de Boris Vian, tandis que Angelier ou Bier évoquaient sans se lasser les légataires, les héritiers qui ont eux aussi grandement participé à l’encyclopédie des mauvais genres. Car si tous les genres sont identifiés dans les pages des manuels scolaires et si les auteurs populaires ne se rêvent jamais loin du Panthéon, on a encore jamais vu pêle-mêle sur la table d’un ministre de la culture les pamphlets de Georges Darien, les récits de Cordwainer Smith, les caricatures de Grosz, les photographies de Weegee, les enseignements de Gurdjieff, les films de Dino Risi, les images de Barbara Steele, les chansons de Boby Lapointe, etc. Ce qui définit les immenses incongruités du Mauvais genre c’est la juxtaposition des mots et des choses, des objets et des lieux, des œuvres avec d’autres œuvres. Dès lors, le sens du grotesque, l’intention asociale et le passage sans crier gare du burlesque au macabre, tout ça coule de source depuis un « ça » toujours en ébullition. Comme vous le savez, tout ça se passait juste avant le 11 septembre 2001, jour où King Kong regarda de très loin s’effondrer deux tours identiques bien trop orgueilleuses.