un jour ouvrable

Jacques Sternberg était mort depuis trois ans, lui qui avait tant de fois écrit le vocable « mort ». Francine, sa compagne de toujours (ou presque), me téléphona pour me demander si j’accepterais de rédiger une préface à la réédition de Un jour ouvrable, car elle n’ignorait pas que j’avais lu et relu ce chef-d’œuvre méconnu autrefois publié par Eric Losfeld après plusieurs refus chez Gallimard et Minuit. J’écrivis une synthèse de ce que signifie ce roman de la contre-utopie, une ouverture qui n’est qu’une vaste fermeture sur l’individu, une approche de ce que le monde est devenu pour les Terriens dans sa réglementation terrifique. A propos du narrateur Eric Habner, j’écrivais : Chacun doit être à son rouage, dépenser son énergie à actionner ce rouage, mais Habner n’y est pas. Par son inappétence, Habner survit sous le seuil autorisé que l’organisation sociale exige d’un système nerveux. Habner pourrait s’appeler Ab-nerf. Sous basse tension de son propre influx nerveux qu’il n’entend gaspiller pour les innombrables membres d’une famille dont l’arborescence complexe est comparable à celle que la mafia contemporaine nous a infligé comme structuration du mode de civilisation, Habner doit surmonter une crise d’identité concomitante à sa crise de la perception du temps.

Les spectateurs ayant vu le film Je t’aime je t’aime réalisé par Alain Resnais avant mai 68, ont vu sans le savoir une version tout public et plus simplede ce roman à lire d’urgence, avant ou après George Orwell.

Jacques Sternberg à son domicile photographié par Alain Resnais vers 1965

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