J’ai coupé dans les images comme j’ai coupé dans les phrases, lorsqu’il s’agissait pour moi d’être hors de mes recherches documentaires et au plus près de la fiction, dans l’expression de la poésie loufoque ou dans la fabrication de photomontages satiriques. Hans Richter fut l’un des premiers, parmi les Dadaïstes, à expliquer et revendiquer cette possibilité de montrer des scènes de façon constructiviste, mise en scène des matériaux en opposition, d’angles optiques contraires aux règles de la perspective classique, de jaillissements de mots dans les images et de variations anarchiques dans la typographie. Plus près, Jacques Prévert a proposé un répertoire riche en combinaisons au service de son anticléricalisme ou magnifiant les échappées oniriques des amoureux de Paris. Je suis un lanceur de couteau dans les mots. Dans un hommage à Frank Ténot décédé en janvier 2004, j’écrivis un poème-montage dont j’extrais cet instant :
Je m’égare Franck
Ton microphone tu l’a dis un jour aurait était celui
Du Maréchal Pétain
Microphone dans lequel tu as dis bonjour à Bordeaux
Sur les ondes hertziennes
A la Libération
A Bordeaux nous aimons le vin
La libération
Et la liberté
Beaudelaire Charles te salue
Charlie Mingus aussi Franck
Le Maréchal non, Franck, le maréchal n’aimait pas le jazz
Le Maréchal ne dansait pas la samba