Jeux d’esprit
Longtemps considéré comme une infra-littérature destinée à disparaître chaque semaine après parution dans la presse périodique, le divertissement pour l’esprit a séduit en France d’éminents créateurs de grilles de mot-croisés : Tristan Bernard, Robert Scipion, Max Favalelli, Georges Perec ou Michel Laclos.
Max Favalelli dit un jour « qu’il serait content s’il laissait simplement derrière lui quelques bonnes définitions de mots croisés ».
À quoi Michel Laclos aurait pu répondre par l’une de ses définitions :
A fait de l’ombre à Emilio Zapata (huit lettres) : SOMBRERO
Qui a consulté en rêvant aux mots sans définition mais classés par nombre de lettres ou par lettre en tête du mot, le dictionnaire Zakhia, échappe ainsi à la contrainte hebdomadaire de la grille pour cruciverbistes tout en entrant librement dans l’une des zones du Surréalisme.
La sensibilisation aux jeux d’esprit garantit pour longtemps le caractère onirique du jeu lui-même, la recherche d’un point de convergence entre une pratique infantile et un enjeu subversif, entre une occupation d’esthète désœuvré et une récréation définitivement plus importante qu’un défilé du 14 juillet.
En 1953, dans la revue Medium, les Surréalistes ont publié les résultats du jeu des syllogismes :
La Nuit, tous les chats sont gris
Or le vampire n’a qu’un vol limité
Donc le progrès est un mythe.
Durant cette même période d’expérimentation, certains pratiquaient l’art du palindrome (ou la lecture d’une phrase de gauche à droite et inversement).
Emile nu a une lime de Pierre Bailly.
Devinettes, mots-valise, contrepèteries, rimes, kyrielles, le créateur a le choix des techniques contraignantes.
Ma préférence va aux rébus d’autrefois très difficiles à résoudre car nous avons perdu certains mécanismes en faveur d’associations d’idées entre l’image dessinée et le mot. Dès lors, il ne s’agit plus de « trouver la solution » mais de retrouver la jubilation d’une écriture automatique salvatrice.
Se laisser porter par un rébus devenu une énigme contemporaine.